RICOU
SITUATION GÉOGRAPHIQUE
La carrière de Ricou est située dans la vallée de la Sèvre niortaise, en rive droite, à 1,5 km au sud du centre-bourg d’Azay-le-Brûlé. Elle est accessible par une voie communale qui traverse le hameau de Jaunay à partir de la N11 (axe Poitiers - La Rochelle).
A l’ouest de Saint-Maixent-l’Ecole, la région d’Azay-le-Brûlé se place à la limite entre deux entités paysagères contrastées, d’une part la plaine de Niort, d’autre part l’Entre plaine et gâtine. La topographie y est relativement plane. Toutefois, quelques dépressions circulaires ou oblongues apparaissent ponctuellement : elles correspondent à des dolines. Cette plaine est entaillée par deux cours d’eau, au nord, le Chambon, et, au sud, la Sèvre niortaise. Ils coulent dans des vallées alluviales, plus ou moins larges, aux versants fortement déclives (de 10 à 30°) au niveau desquels sourdent de nombreuses sources ; ces dernières sont les exutoires de deux nappes d’eau superficielles, respectivement supra-toarcienne et infra-liasique. Enfin, la vallée de la Sèvre niortaise est accompagnée par des vallons secs, de direction sub-méridienne.
Au début du XIXème siècle, la vigne était encore très présente à Ricou et, plus largement, sur le territoire de la commune d’Azay-le-Brûlé. En témoignent les murets en pierres sèches identifiables ça et là, mais, surtout, les noms de lieux, nombreux, construits à partir de "fief", terme qui, dans la toponymie régionale, correspond à une parcelle plantée de vigne.
CONTEXTE GÉOLOGIQUE
La carrière de Ricou appartient au versant aquitain du seuil du Poitou où la couverture sédimentaire repose en discordance sur un socle granitique et métamorphique se rattachant au Massif armoricain.
La couverture, datée du Jurassique inférieur et moyen (Hettangien à Callovien), se compose de dépôts continentaux lenticulaires (sables et graviers) auxquels succède une série fossilifère d’origine marine. Elle est largement recouverte par des altérites (argiles limoneuses) dont l’âge est incertain (Cénozoïque lato sensu).
Le socle, qui affleure notamment dans la vallée de la Sèvre niortaise, est représenté par des roches métamorphiques (micaschistes, paragneiss, amphibolites…) appartenant à l’Unité de l’Hermitain et à l’Unité de Roc Cervelle (Cambrien probable).
DESCRIPTION
La carrière de Ricou fait partie des nombreux sites d’extraction qui ont été ouverts à l’ouest et au sud de SaintMaixent-l’Ecole, notamment dans la vallée de la Sèvre niortaise. Tous ces sites, à l’abandon depuis au moins une trentaine d’années, permettaient d’exploiter les formations gréseuses et/ou carbonatées du Jurassique inférieur (Lias) destinées à la production de matériaux de construction (moellons) et de matériaux d’empierrement (granulats).
Cette carrière était encore en activité à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Elle faisait l’objet d’une exploitation saisonnière (hiver) par les cantonniers communaux qui étaient notamment chargés de remblayer les chemins. Après la Seconde Guerre mondiale, entre 1947 et 1953, elle a connu un essor de courte durée lié à la construction de la base américaine de Chizé. Les différentes opérations étaient essentiellement manuelles et les outils utilisés rudimentaires (barre à mine, masse, pelle et pioche, fourche à cailloux…). Seul le concasseur fonctionnait au gas-oil.
Lors de son exploitation, le front de taille (> 10 mètres) recoupait plusieurs formations géologiques. Ces formations peuvent être observées en détail au niveau d’une ravine située à une centaine de mètres vers l’ouest. Au dessus de schistes qui appartiennent à l’Unité de Roc Cervelle (Cambrien probable), se succèdent, du bas vers le haut :
- des argiles et des marnes sableuses à débris charbonneux avec intercalations de calcaires dolomitiques (1,90 m). Selon toute vraisemblance, cet ensemble représente l’Hettangien ;
- des calcaires dolomitiques bruns à beiges en bancs massifs (3,55 m) puis des calcaires oolithiques blancs (2,75 m). Ils renferment une faunule composée de bivalves et de gastéropodes. D’aspect scoriacé, ils se débitent en plaquettes ou en dalles et constituent le "Calcaire jaunenankin" dont l’âge est incertain (Hettangien à Sinémurien ?) ;
- des calcaires sub-lithographiques noduleux gris-bleuté (5,50 m). Ils forment le "Calcaire Caillebotine" daté paléontologiquement du Sinémurien supérieur ;
- des conglomérats puis des calcaires gréseux et des arkoses (> 5,00 m). Caractérisés par la présence de stratifications obliques, ils sont fossilifères (bivalves, bélemnites…) et se rapportent au Pliensbachien.
Les formations géologiques qui s’échelonnent de l’Hettangien au Pliensbachien témoignent d’une sédimentation en milieu marin peu profond. D’ailleurs, la présence d’intercalations détritiques grossières (conglomérats et arkoses) dans les dépôts pliensbachiens atteste la proximité du domaine continental. Néanmoins, alors que les calcaires sublithographiques du Sinémurien supérieur sont caractéristiques d’un environnement confiné (cf. sub-lagunaire), les sédiments à faune pélagique du Pliensbachien se sont accumulés sur une plate-forme carbonatée largement ouverte sur le domaine océanique. La surface plane, durcie et oxydée au sommet du Sinémurien supérieur correspond à une discontinuité sédimentaire majeure qui marque le début d’une nouvelle mégaséquence, probablement à mettre en relation avec l’ouverture de l’océan Atlantique.
PRINCIPAUX INTÉRÊTS
Parmi les quelques sites d’extraction encore accessibles sur le versant aquitain du seuil du Poitou, la carrière de Ricou est le seul qui permet d’étudier le SinémuroHettangien (Lias inférieur) et le Pliensbachien (Lias moyen) dans de bonnes conditions. Cette spécificité a motivé l’inscription du site à l’inventaire régional des sites d’intérêt géologique et géomorphologique réalisé par la Réserve Naturelle Nationale du Toarcien pour le Conservatoire Régional d'Espaces Naturels Poitou-Charentes. Par ailleurs, depuis juin 2006, le vallon sec (ou ravine) situé en marge de la carrière de Ricou offre la possibilité d’observer une discordance stratigraphique (soclecouverture), opportunité rare dans le département des Deux-Sèvres. C’est dans cette ravine qu'ont été récoltés deux fossiles, une ammonite, Gleviceras subguibalianum, et un brachiopode, Spiriferina betacalcis, qui ont permis de confirmer l'âge sinémurien supérieur du "Calcaire Caillebotine".
Les abords immédiats de la carrière de Ricou sont caractérisés par la présence de modelés karstiques typiques des régions calcaires : gouffre, exsurgence (= exutoire de la nappe infraliasique), vallon sec… Ces modelés sont liés à la dissolution du calcaire par les eaux météoriques chargées de dioxyde de carbone (CO2).
En outre, les prairies qui s’étendent au dessus de la carrière de Ricou, à 95-100 mètres d’altitude, offrent un large panorama vers le sud-est qui donne sur le secteur bocager des Terres rouges à châtaigniers où il est possible de repérer certains hameaux (les Fontenelles, Charchenay…), des éléments plus anecdotiques comme le château d’eau de Boisné et, en arrière plan, la forêt domaniale de l’Hermitain. Ce point de vue permet également d’apercevoir, en contrebas du versant droit de la vallée de la Sèvre niortaise, les bâtiments industriels de la minoterie BELLOT, installée à Geoffret (Saint-Martin-de-Saint-Maixent).
Enfin, la carrière de Ricou et les alentours composent une mosaïque de milieux (front de taille, prairies, haies vives, bois…) où ont été identifiés sept habitats naturels, c’est-à-dire des unités homogènes caractérisées par une association végétale spécifique. Parmi eux, trois présentent un intérêt patrimonial :
- la "végétation des falaises continentales calcaires" (62.1) et la "prairie de fauche des plaines médioeuropéennes" (38.22), classées à l’Annexe I de la Directive Habitats ;
- la "prairie humide atlantique et subatlantique" (37.21), caractérisée par la présence d’une plante protégée à l’échelon régional, la Cardère poilue, déterminante en Poitou-Charentes.
A ces habitats, s'ajoute une faune relativement riche : par exemple, 39 espèces d'oiseaux ont été reconnues. Chez les lépidoptères diurnes, quatre espèces méritent d’être signalées : le Tabac d’Espagne, le Sylvain azuré, l’Azuré de la faucille et l’Azuré du serpolet (inscrit à l’Annexe IV de la Directive Habitats). Ce dernier est lié à la présence de l'origan, plante aromatique des pelouses sèches thermophiles situées au dessus du front de taille. Bénéficiant d'une protection à l'échelle nationale, l'Azuré du serpolet est souvent menacé de disparition par l'embroussaillement de son habitat.
TRAVAUX D'AMÉNAGEMENT
- L'entreprise ROY a réhabilité un ancien terril de morts-terrains (stériles + matériaux de découverte) pour en faire un lieu d’observation de la carrière de la Noubleau et de ses environs. Situé au Pâtis, à 500 mètres à l’ouest de l’exploitation, ce terril d’orientation nord-sud, en accès libre, s’élève à près de 130 mètres d’altitude. Il est accessible à partir de la D143 (axe Saint-Varent - Clessé) via Veillet puis Chiré, éventuellement à partir de la D135 (axe Saint-Varent - Boismé) via la Viandière.
Remodelé, le terril du Pâtis offre à son extrémité septentrionale une surface plane de l’ordre de 1 500 m2 qui permet d’avoir un panorama à 360° (le Parc de Oiron et son château d’eau, situés à une douzaine de kilomètres à vol d’oiseau, sont parfaitement identifiables à l’horizon, vers le nord-est).
Une aire de stationnement est disponible en contrebas.
- Le terril du Pâtis a été équipé de supports d'information qui permettent de développer trois principaux thèmes :
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la production des granulats depuis le décapage des morts-terrains qui recouvrent le gisement jusqu’à l’expédition des produits finis (découverte → foration → abattage → reprise → concassage → criblage-lavage → stockage → chargement-transport) ;
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l’utilisation des granulats dans l’économie française ;
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les différents métiers représentés sur le site de la Noubleau (foreur-mineur, conducteur d’engin [dumper, chargeur…], opérateur, mécanicien, cadre…).
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Les deuxième et troisième thèmes revêtent un intérêt certain puisque d’une part les granulats sont utilisés massivement et à des fins diverses en France (environ 7 tonnes/an/habitant), d’autre part une exploitation comme la Noubleau a besoin de personnel qualifié, doté de qualités particulières (autonomie, rigueur…), qu’il est difficile de trouver sur le marché de l’emploi.
L'installation de supports d'information a été complétée par la présentation de granulats de différents calibres issus de la carrière de la Noubleau et de celle de la Gouraudière (Mauzé-Thouarsais) à partir de diorite (bleue) et de microgranite (rose).
EXPLOITATION PEDAGOGIQUE
Deux principaux thèmes peuvent être traités au niveau du terril du Pâtis, à savoir le paysage et le fonctionnement d'un site industriel (voir tableau ci-dessous).
Notions | Activités |
PAYSAGE Evolution du paysage actuel |
Observation du paysage (= zone de transition entre plaine du Haut-Poitou et Bocage bressuirais) et mise en évidence de ses caractéristiques (relief, réseau hydrographique, végétation, habitat...) Mise en évidence des impacts des activités de l'Homme sur son environnement |
RESSOURCES NATURELLES Extraction, transformation et utilisation des substances minérales |
Mise en évidence des paramètres (ressources minérales, reliefs, voies de communication...) qui conditionnent l'installation et le développement d'une activité industrielle Détermination du processus de fabrication des produits finis Observation de produits finis |
DÉVELOPPEMENT DURABLE Activité industrielle |
Mise en évidence des dispositions prises par une entreprise dans le cadre du développement durable (acheminement des produits finis par train, confinement des installations de traitement, aménagement, récupération et stockage des eaux de ruissellement et reconversion d'un terril de mortsterrains à des fins éducative et touristique...) |
Pour ce qui concerne le paysage, un travail complémentaire peut être réalisé à Airvault, sur le terril du Fief d’Argent, situé en marge de la cimenterie (réseau "l’Homme & la Pierre"), qui offre un panorama sur la plaine du Haut-Poitou et la vallée du Thouet.