SITUATION GÉOGRAPHIQUE

La Réserve Naturelle Nationale du Toarcien est située dans la vallée du Thouet, en rive droite, entre Vrines (Sainte-Radegonde) et Pompois (Sainte-Verge), à 3,5 km au nord-ouest de Thouars. Elle est accessible par la voie communale

n°8 à partir de la D759 (axe Mauléon - La Roche-Clermault).

A ce niveau, le Thouet, constitue la limite approximative entre deux entités paysagères contrastées :

- à l’est, la Plaine du Haut-Poitou, vaste plaine de champs ouverts (openfield) dévolue à la production de céréales, d’oléagineux... A proximité de Pompois et de Vrines, cette plaine correspond à une surface plane dont l’altitude moyenne s’établit à 80-85 mètres. Elle est marquée par la présence de nombreuses parcelles plantées de vignes qui annoncent le vignoble angevin (Anjou AOC), mais également de bosquets et de bois épars liés à des sols argileux et/ou caillouteux ;

- à l’ouest, le Bocage bressuirais. Il se caractérise par un maillage plus ou moins serré de haies vives qui délimitent des prairies naturelles mises à profit pour l’élevage des bovins (viande et lait).

CONTEXTE GÉOLOGIQUE

La région de Thouars se place dans la zone où un socle granitique et métamorphique appartenant au Massif armoricain disparaît sous une couverture sédimentaire se rattachant au Bassin parisien.

Le socle est représenté par des granitoïdes divers (gabbros, diorites, microgranites et rhyolites...) qui appartiennent au complexe volcano-plutonique de Cholet-Thouars daté à 519 +14/-10 Ma. Ces granitoïdes sont intrusifs dans les micaschistes du Groupe des Mauges rapporté au Néo protérozoïque (entre -650 et -540 Ma). La couverture repose en discordance sur le socle. Elle regroupe des roches variées d’origine marine (grès, calcaires et marnes, argiles...) qui témoignent de la succession de deux transgressions, la première au Jurassique (vers -200 Ma), la seconde au Crétacé supérieur (vers -100 Ma). Enfin, socle et couverture sont localement masqués par des dépôts fluviatiles (alluvions) dont l’âge, incertain, s’échelonne du Néogène au Quaternaire.

DESCRIPTION

  • La Réserve Naturelle Nationale du Toarcien se compose de deux anciennes carrières à ciel ouvert (n°1 "les Groies" et n°2 "les Hauts Coteaux"), la seconde exposant une coupe nettement plus développée que la première. 
    De bas en haut, cette coupe montre :
    • des grès ferrugineux et des calcaires gréseux (> 0,50 m). Ils renferment quelques fossiles, notamment des bivalves (Pectinidae), des gastéropodes et des bélemnites et montrent de très nombreux terriers de vers. Ils sont structurés en faisceaux de litages obliques et sont parfois associés à des poudingues ("garrou" des carriers). Ils représentent le Pliensbachien supérieur (cf. Domérien) et la base du Toarcien inférieur ;
    • des calcaires bioclastiques à oolithes ferrugineuses (1,20 m). Ils sont extrêmement riches en bioclastes (essentiellement des fragments de coquilles de bivalves et de gastéropodes) et en oolithes ferrugineuses, de petites sphères composées de minces couches concentriques d’oxydes de fer. S’y ajoutent des ammonites et des bélemnites. Ils se rapportent au Toarcien inférieur et moyen ;
    • des calcaires argileux qui alternent avec des marnes (6,90 m). Ils (elles) contiennent également de nombreux fossiles, principalement d’organismes pélagiques, animaux qui évoluaient en pleine eau (ammonites, nautiles, bélemnites...). Ils s’échelonnent du sommet du Toarcien moyen à l’Aalénien inférieur ;
    • La succession, sur une même verticale, de grès puis de calcaires bioclastiques et enfin de calcaires argileux et de marnes traduit un approfondissement du milieu de dépôt (de 0 à 100 mètres et plus). Ce phénomène est lié à une transgression marine qui a débuté il y a environ 200 millions d’années, à la base du Jurassique, et qui a perduré pendant près de 25 millions d’années.
  • Le sommet de la coupe permet également d’observer :
    • des argiles. Datées du Cénomanien (Crétacé supérieur), elles se sont déposées en milieu littoral confiné, de type lagune saumâtre. Elles marquent le retour de la mer après une longue période d’émersion au Crétacé inférieur (entre -145 et -100 Ma). La discordance angulaire identifiable entre ces argiles et les formations sous-jacentes atteste un événement tectonique, la phase néo-cimmérienne, qui a provoqué le basculement vers l’est du Jurassique avant le dépôt du Crétacé supérieur ;
    • un cailloutis (sables, graviers, galets...). Relativement épais, il témoigne de la mise en place du réseau hydrographique actuel, probablement au cours du Néogène.

PRINCIPAUX INTÉRÊTS

  • La Réserve Naturelle Nationale du Toarcien présente un intérêt scientifique fondamental et ce, à l’échelle internationale. En effet, elle assure la conservation de tout ou partie du stratotype historique (ou holostratotype) du Toarcien, c’est-à-dire la coupe qui a permis à Alcide d’ORBIGNY de définir cet étage en 1849. En outre, dans les années 1960-70, Jean GABILLY (Université de Poitiers) a subdivisé l’étage Toarcien - qui couvre une période d’environ 7 millions d’années - en unités de temps objectivement indivisibles, les horizons, à partir de la répartition verticale (= dans le temps) des ammonites. Des trente-quatre horizons (notés de I à XXXIV) qui composent aujourd’hui cet étage, la coupe stratotypique permet d’en observer vingt-huit (l’absence des horizons I à VI marquent une lacune de sédimentation). 

    Par ailleurs, cette réserve naturelle (site n°2) permet l’observation de trois étages successifs du Jurassique (Pliensbachien, Toarcien et Aalénien), d’une discordance angulaire entre le Crétacé supérieur, représenté par les argiles du Cénomanien, et le Jurassique moyen (Aalénien), et d’une discordance entre les alluvions de la haute terrasse du Thouet (Mio-Quaternaire) et le Crétacé supérieur.
  • La Réserve Naturelle Nationale du Toarcien offre également l’avantage :
    • d’être située à la jonction de plusieurs unités paysagères (plaine du Haut-Poitou, vallée du Thouet et Bocage bressuirais) ;
    • d’exposer d’anciens fronts de taille exploités en gradins au XIXème siècle pour la production de pierres de taille ("grison" de Vrines principalement). 

 

TRAVAUX D'AMÉNAGEMENT

  • Créée le 23 novembre 1987 (décret n°87-950) au titre de la loi du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature, la Réserve Naturelle Nationale du Toarcien a fait l’objet de travaux importants à la fin des années 1980 et les équipements installés sur les sites n°1 et n°2 au début des années 1990 ont été totalement remplacés en 2005.
  • Les sites, à l’abandon depuis près d’une cinquantaine d’années, envahis par la végétation et partiellement comblés de matériaux divers (détritus, gravats...), ont été nettoyés. Les carreaux ont été terrassés et les fronts de taille remodelés pour en optimiser la lecture. Puis, les sites ont été enclos d’un grillage haut-tendu et des équipements pour l’accueil, l’information et la sécurité du public ont été installés :
    • panneaux d’informations générales à l’entrée de chaque site ;
    • aire de stationnement stabilisée (bus et VL) , emmarchements, palier et garde-corps (site n°2) ;
    • mâts avec chiffres arabes , de 1 à 33 (site n°1) et de 1 à 68 (site n°2), matérialisant la succession des différentes strates, et avec chiffres romains, de VII à XXXIV site n°2), signalant la répartition verticale des horizons à ammonites ;
    • pupitres de lecture (trois sur chaque site) permettant d’expliciter les principaux résultats d’études scientifiques menées sur la coupe stratotypique. 

EXPLOITATION PÉDAGOGIQUE

Depuis 1994, des animations sont régulièrement organisées sur la Réserve Naturelle Nationale du Toarcien. Elles sont principalement suivies par des scolaires (collégiens et lycéens) qui représentent environ 90% du nombre annuel de visiteurs (entre 2 500 et 3 000). En s’appuyant sur les deux sites de la réserve naturelle qui sont complémentaires et à l’aide d’échantillons et de moulages, de matériel (loupe, acide chlorhydrique, plaque de verre, pointe...)..., diverses activités sont possibles (voir tableau ci-dessous).

 

Notions Activités
ROCHES SEDIMENTAIRES
Cycle "Erosion - Transport - Sédimentation"
Fossilisation
Observation de roches sédimentaires (grès et poudingues, calcaires bioclastiques, calcaires argileux et marnes), des fossiles qu'elles contiennent, détermination de la nature et de l'origine des sédiments qui leur ont donné naissance et caractérisation du milieu marin dans lequel ces sédiments se sont déposés (notion de fossile de faciès)
DATATION
Chronologie relative
Subdivision des temps géologiques
Utilisation des fossiles (ammonites) pour dater les terrains sédimentaires qui les referment (notion de fossile stratigraphique) Définition et limites inférieure et supérieure d'un étage stratigraphique (Toarcien) à partir du contenu faunique d'une formation géologique Subdivision d'un étage stratigraphique (Toarcien) en horizons grâce à la répartition verticale (= dans le temps) des ammonites Mise en évidence de
lacunes de sédimentation à partir de l'absence d'espèces-indices (ammonites)
TECTONIQUE DES PLAQUES
Divergence au niveau des dorsales médio-océaniques
Mise en évidence d'une transgression marine liée à l'ouverture d'un espace océanique à partir de l'étude d'une coupe (stratotype du Toarcien) montrant la succession de roches sédimentaires témoignant de milieux de dépôt de plus en plus
profonds (grès et poudingues - calcaires bioclastiques - calcaires argileux et marnes)
ENVIRONNEMENTS PASSES
Renouvellement des espèces
Explicitation du principe de superposition et du principe d'actualisme
Reconstitution, à partir de l'observation de roches sédimentaires et des fossiles qu'elles contiennent, d'environnements marins successifs au Toarcien et mise en évidence du renouvellement des faunes marines au cours du temps
CHANGEMENTS DU CLIMAT
Variations climatiques périodiques
Caractérisation, dans le stratotype du Toarcien, de dépôts rythmiques (alternance calcaires argileux - marnes) à relier à des variations climatiques contrôlant la production de produits argileux sur le continent 
RESSOURCES NATURELLES
Extraction, transformation et utilisation
des substances minérales
Observation d'un front de taille dans une carrière artisanale, mise en évidence des
modalités d'exploitation des roches (technique, outils...) et de leurs utilisations spécifiques selon leurs propriétés physiques (dureté, gélivité, densité...), leur composition chimique ou leurs qualités ornementales